Nous sommes au début des années 1840, sous la Monarchie de Juillet. Soucieux de l'embellissement des offices religieux, les fidèles pressent la municipalité pour l'acquisition d'un jeu d'orgue qui doit, par la même occasion, ajouter au rayonnement de la paroisse et à la notoriété de la commune
A cette époque, les rares facteurs
d'orgues de la Meurthe à avoir traversé les troubles révolutionnaires
sont débordés par les demandes des paroisses et l'on s'adressera
par conséquent à la Manufacture Verschneider de Puttelange en
Moselle. Le conseil municipal vota par la même occasion la construction
d'une tribune dotée d'une balustrade en fer forgé par un entrepreneur
de Baccarat.
Profitant de l'élancement de la nef gothique aux multiples croisées
d'ogives, qui contraste avec le plafond plat des nombreuses églises-granges
mosellanes, les organiers vont pouvoir y élever un de leur plus grand
instrument :
Plus de 1200 tuyaux répartis sur trois claviers et pédale indépendante
Air de transition :
L'esthétique particulière de l'instrument est empreinte de deux faits marquants :
- à une époque où
sonnait le glas de l'Orgue Classique Français, elle trahit les premières
effluves de l'ère Romantique,
- époque de transition également au sein de la Manufacture d'Orgues
Verschneider. Les Fils Verschneider, alors en formation à Paris, sont
rappelés par leur père à l'entreprise familiale pour élaborer
un projet pour la cathédrale de Metz. Tous travailleront sur l'instrument
de Villacourt.
Le buffet, réalisé entiérement
en chêne, est commun à l'esthétique du père et se
retrouve sur d'autres instruments de la région (Frouard, Hilbesheim
).
Epousant les contours de la nef voûtée (XVème), il fait
montre de ses 5 tourelles basées sur le 8 pieds réel (i.e. le
plus gros tuyau au centre de la façade mesure 8 pieds de long soit environ
2,40 m).
La composition de l'instrument, quant
à elle, reflète l'empreinte des fils et de leur culture parisienne.
Si l'on construit déjà des orgues de facture romantique dans la
capitale (l'orgue de Gerbéviller en est un exemple abouti), les "
archaïsmes " de l'ère classique substisteront encore jusque
dans les années 1860 en province. On peut imaginer les querelles entre
le père et ses fils !
En dépit d'une église humide et mal chauffée, le premier relevage de l'instrument ne s'effectuera qu'en 1867, soit 25 ans après, signe de la robustesse de sa construction.
Au fil des réformes :
La seconde partie du XIXème siècle voit de profondes réformes dans la façon de célébrer et d'accompagner les offices. L'orgue, dont les versets alternaient auparavant avec la voix du chantre, devient l'orgue d'accompagnement des chorales. C'est ainsi qu'en 1906, le curé d'alors décida la modernisation de l'instrument et confia les travaux à l'organier spinalien Henri Didier. Ce dernier était connu dans la région pour y avoir installé nombre d'instruments (Neuviller sur Moselle, Portieux, Nancy St Nicolas ). L'orgue fut soustrait, par souci d'économie, à un projet de romantisation ambitieux. Les modifications apportées (suppression du clavier d'écho, décalage d'une octave grave de plusieurs jeux, ) furent prises en charge par la fabrique, aidée par les multiples dons des paroissiens. L'orgue pu ainsi reprendre rapidement son service liturgique, au plus grand bonheur de l'organiste et de sa chorale.
Devis du facteur d’orgues vosgien Henri Didier, daté de 1906
Au cur de la tourmente :
La première guerre mondiale éclate,
la population est mobilisée. Villacourt n'est qu'à quelques kilomètres
de la ligne de front qui voit l'affrontement des armées françaises
et allemandes lors de la terrible bataille de Rozelieures, le 25 Août
1914. Le village est épargné par les bombardements intensifs qui,
durant une semaine, vont tenter, mais en vain, de forcer la Trouée vers
Charmes. Second épisode tragique de ce siècle, la seconde guerre
frappe aux portes du village. Le 20 juin 1940, le village est bombardé
par les troupes allemandes. Sinistre ironie du sort, le Lieutenant Feuillebois,
curé de Giriviller, tombe sous le feu de l'ennemi entre Villacourt et
Froville, à quelques kilomètres seulement de sa terre paroissiale.
L'église est réquisitionnée par l'occupant qui en fait
un camp de prisonniers pour les officiers. Le " Haut-Clocher ", comme
les habitants du pays le surnomment, servira de tour d'observation stratégique.
Au sortir de la guerre, l'orgue subit de menues réparations mais son
état de vétusté ne facilite pas le travail de l'organiste,
Mlle Heckler. Durant les années 1950, elle referma une dernière
fois la porte d'accès à la tribune pour accompagner, à
l'harmonium cette fois, les célébrations ...
Etat du Grand-Orgue en 2000 (50 années de poussière …)
Etat du positif de dos en 2000